La jurisprudence récente de la Cour de cassation donne l’occasion de rappeler les conséquences juridiques et fiscales des comptes d’associés débiteurs. Le développement des sociétés en agriculture conduit à examiner les principes qui régissent ces comptes d’associés.
Au sein d’une société, il peut arriver qu’un associé procède à des prélèvements au-delà de ses droits financiers (notamment au-delà de sa rémunération du travail et de sa quote-part de résultat) au point de rendre son compte d’associé débiteur. Dans ce cas, ce n’est plus l’associé qui devient prêteur comme cela est le cas avec un compte d’associé créditeur, mais la société qui «prête» une somme d’argent à l’associé concerné.
1. Abus de biens sociaux
Cette pratique est formellement interdite dans les sociétés commerciales à responsabilité limitée (notamment SARL et SAS) au point de constituer une infraction pénale correspondant au délit d’abus de biens sociaux. Il est utile de rappeler que cette infraction n’existe pas pour les sociétés civiles agricoles, ce qui étonne toujours les spécialistes des sociétés commerciales.
2. Distributions irrégulières
Sur le plan fiscal, cette situation correspond à la mise en œuvre de distributions irrégulières surtaxées si la société relève du régime de l’impôt sur les sociétés, qu’il s’agisse de sociétés commerciales ou de sociétés civiles soumises à ce régime fiscal de plein droit ou par option.
Cette solution a été clairement formulée par le Conseil d’Etat qui a précisé que doivent être regardés comme des revenus distribués, sauf preuve contraire, les montants des soldes débiteurs des comptes courants ouverts dans les écritures d’une société au nom de ses associés, actionnaires ou porteurs de parts au 31 décembre de l’année en cause (CE. 27/12/2019, 420478). Sur ce point, l’article 39 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 a instauré la majoration de 25 % de l’assiette des distributions occultes ou irrégulières mentionnées notamment à l’article 109 du code général des impôts (CGI) (modif. de l’art. 158 du CGI).
3. Extension de la liquidation judiciaire
Par un arrêt du 13/09/2023, la Cour de cassation rappelle que la procédure collective d’un débiteur peut être étendue à une autre personne en cas de confusion de son patrimoine avec celui du débiteur. La confusion de patrimoine peut être caractérisée par l’existence d’une relation financière anormale entre le tiers et le débiteur. Notamment, l’accroissement du solde débiteur du compte courant d’associé est un élément permettant de déduire l’existence de relations financières anormales entre la société débitrice et l’associé, caractérisant la confusion de leurs patrimoines et justifiant l’extension de la liquidation judiciaire de la société à l’associé concerné (Cass. 13/09/2023, n° 21-21.693).
La Cour de cassation s’est déjà prononcée sur ce genre de situation notamment par un arrêt en date du 7/11/2018 concernant un associé gérant qui avait laissé croître le solde débiteur de son compte courant d’associé et s’était octroyé une indemnité de gérance non autorisée, cependant que la société était en état de cessation des paiements.
Selon les hauts magistrats, le comportement du gérant, non justifié par l’intérêt social, ni par des engagements réciproques, traduisait une volonté systématique de la part de leur auteur de créer une confusion entre le patrimoine de la société et le sien propre. De ces constatations et appréciations, la cour d’appel avait pu déduire l’existence de relations financières anormales entre la société débitrice et le gérant, caractérisant la confusion de leurs patrimoines justifiant l’extension de la liquidation judiciaire de la société à l’associé concerné (Cass. 7/11/2018, n° 17-21.284).