33. Apport de biens communs à un GAEC et qualité d’associé des époux

En cas d’apport de biens communs à une société par un époux, la renonciation du conjoint à devenir associé est en principe définitive, sauf si les associés acceptent ultérieurement de façon unanime de revenir sur cette renonciation.

Par un arrêt du 19 juin 2024, la Cour de cassation précise la solution applicable lorsque le conjoint a reconnu au sein des statuts de la société ne pas avoir la qualité d’associé du groupement et ne requiert pas la qualité d’associé lors de l’apport de biens communs à un GAEC.

Selon l’article 1832-2 du code civil, en cas d’apport de biens appartenant à la communauté de deux époux, la qualité d’associé est en principe également reconnue, pour la moitié des parts souscrites ou acquises, au conjoint qui a notifié à la société son intention d’être personnellement associé. 

Dans la pratique, il est courant que le conjoint qui n’envisage pas d’être associé renonce de façon expresse à cette possibilité de devenir membre de la société. Dans cette hypothèse, il convient de déterminer la portée de cette renonciation alors que le conjoint concerné souhaite ultérieurement devenir associé de la société.

Selon l’arrêt de la Cour de cassation du 19 juin 2024, dès lors que les statuts établissent que le conjoint a renoncé clairement et sans réserve, au moment de la constitution du groupement, à revendiquer, sur le fondement l’article 1832-2 du code civil, la qualité d’associé au titre des biens communs apportés par son époux, l’intéressé ne peut en principe revenir ultérieurement sur cette décision, sauf exception.

En l’espèce, une conjointe avait dans un premier temps renoncé à revendiquer la qualité d’associé suite à l’apport de biens communs par l’autre époux. Quelques temps plus tard, l’assemblée générale du groupement avait accepté que ce conjoint devienne associé au titre de l’apport initial de biens communs. Par la suite, un litige s’est élevé entre les intéressés pour contester la reconnaissance de la qualité d’associé dudit conjoint au motif qu’il n’était pas possible de revenir sur la renonciation initiale.

Cette solution de renonciation définitive n’est pas nouvelle. Par un arrêt du 12 janvier 1993, la Cour de cassation avait précisé la règle applicable s’agissant du conjoint qui a mentionné ne pas revendiquer la qualité d’associé au titre de l’apport de biens communs effectué à une société par son époux. Selon la cour suprême, le conjoint qui a renoncé clairement et sans réserve à revendiquer la qualité d’associée ne peut pas revenir ultérieurement sur sa décision initiale (Cass. 12/01/1993, n° 90-21.126).

Il est à noter la différence entre l’arrêt de 1993 pour lequel la renonciation faisait expressément référence à l’article 1832-2 du code civil et l’arrêt de 2024 selon lequel la renonciation ne faisait aucunement mention des dispositions du code civil.

La solution de 2024 a déjà été retenue par un arrêt de la Cour de cassation du 21 septembre 2022 qui précise que « la renonciation à un droit peut être tacite dès lors que les circonstances établissent, de façon non équivoque, la volonté de renoncer » (Cass. 21/09/2022, n° 19-26.203).

Cela étant, pour la Cour suprême, la renonciation par l’époux à sa qualité d’associé lors de l’apport fait à la société de biens communs par son conjoint ne fait pas obstacle à ce que l’unanimité des associés lui reconnaisse ultérieurement, à sa demande, cette même qualité.

En d’autres termes, si le principe est que la renonciation à revendiquer la qualité d’associé est définitive, l’ensemble des associés peut ultérieurement décider à l’unanimité de revenir sur cette renonciation qui finalement peut ne pas être définitive.

(Cass. 19/06/2024, n° 22-15.851)

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