Les entreprises relevant du régime de l’impôt sur le revenu peuvent prétendre à une exonération fiscale des plus-values professionnelles si le montant moyen des recettes n’excède pas un certain seuil. La dernière jurisprudence fait ressortir une divergence d’appréciation sur la prise en compte des recettes issues de la vente de matériel.
Les entreprises qui relèvent du régime de l’impôt sur le revenu (IR-BA, IR-BIC et IR-BNC) peuvent être exonérées de l’impôt sur le revenu (voire des cotisations sociales si elles relèvent du régime social agricole) sur les plus-values professionnelles qu’elles réalisent dès lors qu’elles exercent leur activité depuis au moins 5 ans et que le montant des recettes annuelles n’excède pas le seuil de 90 000 € ou de 250 000 € selon le type d’activité exercée (art. 151 septies du CGI). Rappelons que ces seuils sont déterminés par associés actifs pour les sociétés civiles agricoles (art. 70 du CGI).
Pour l’appréciation de ce seuil de recettes (qui en réalité correspond au chiffre d’affaires s’agissant des activités agricoles et commerciales), il est d’usage de considérer que les recettes issues de la vente des éléments d’actifs immobilisés ne sont pas à retenir s’agissant de recettes exceptionnelles et non de recettes courantes.
Ce principe est clairement formulé par les commentaires de l’administration fiscale (BOI-BIC-PVMV-40-10-10-20, § 390). Force est de constater que cette solution ne convainc pas nécessairement les services de contrôle de la même administration.
Dans deux affaires récentes, les services ont ainsi estimé que les recettes issues de la vente de matériel réalisé par des entreprises de travaux agricoles devaient être prises en compte dans l’appréciation du seuil de 250 000 €. La solution retenue n’est pas la même selon les juridictions administratives.
1. Prise en compte des recettes de vente de matériel
Par un jugement du tribunal administratif de Paris en date du 24 octobre 2023, les magistrats confirment la proposition de rectification proposée par le service de contrôle (TA Paris, 24/10/2023, 2100713).
Pour fonder sa décision, le tribunal constate pour l’entreprise contrôlée un renouvellement important de matériel de l’ordre de 400 000 € par exercice alors que le chiffre d’affaires courant est inférieur à 250 000 €.
Selon les juges, ces ventes récurrentes s’inscrivaient dans le modèle économique de l’entreprise. Par suite, les plus-values provenant de ces ventes doivent être regardées comme des produits de son activité normale et courante et prises en compte pour l’appréciation du seuil de 250 000 €.
Dans ces conditions, les plus-values ainsi réalisées ne peuvent prétendre au régime d’exonération des plus-values professionnelles régi par l’article 151 septies du CGI.
2. Non prise en compte des recettes de vente de matériel
Par ailleurs, un arrêt de la cour administrative d’appel de Douai en date du 26 octobre 2023 considère au contraire que les recettes issues de la vente de matériel ne doivent pas être retenues pour l’appréciation du seuil de 250 000 € (CAA Douai, 26/10/2023, n° 22DA01564).
Selon les juges d’appel, les requérants sont en droit d’exclure les recettes sur le fondement de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales et comme l’admet l’administration, le paragraphe 390 de la doctrine BOI-BIC-PVMV-40-10-10-20 précise que » Pour l’appréciation des seuils de recettes prévus à l’article 151 septies du CGI, il est fait abstraction des produits financiers (…) et des recettes exceptionnelles, notamment celles provenant de la cession d’éléments de l’actif immobilisé. « .
Selon les pièces produites au dossier, les matériels agricoles cédés s’inscrivaient dans le cadre d’une opération de renouvellement, de nouveaux matériels ayant été acquis à la même période. Au regard de ces différents éléments, les cessions d’éléments de l’actif immobilisé en cause doivent être regardées comme ayant procédé d’une gestion patrimoniale des actifs de la société ne s’inscrivant pas dans le cadre de son activité normale et courante et constituant donc des recettes exceptionnelles au sens de la doctrine précitée.
Dans ces conditions, pour la cour d’appel, les contribuables sont fondés à soutenir que c’est à tort que l’administration a estimé que les produits des cessions de matériels en litige ne constituaient pas des recettes exceptionnelles au sens de la doctrine administrative précitée, et devaient dès lors être inclus dans les recettes perçues en application de l’article 151 septies du code général des impôts.
Il est fort possible que ces affaires fassent l’objet d’un appel devant la cour administrative compétente pour la première décision et d’un pourvoi en cassation auprès du Conseil d’Etat s’agissant de la seconde décision.