La nullité du bail rural consenti par l’usufruitier sans l’accord du nu-propriétaire a pour effet que le fermier ne peut pas prétendre à l’attribution d’une indemnité pour les améliorations apportées au bien loué (Cass. 11/07/ 2024, n° 23-11.688)
Selon l’affaire examinée par la Cour de cassation, une personne titulaire de l’usufruit de biens ruraux avait conclu un bail rural sans l’accord du nu-propriétaire. Lors d’une décision précédente, la Cour suprême avait prononcé la nullité du bail à la demande du nu-propriétaire. En raison de la nullité dudit bail, la Cour de cassation précise que le preneur, dont le bail annulé est censé n’avoir jamais existé, ne peut prétendre à l’indemnité due au titre des améliorations apportées au fonds prévue à l’article L. 411-69, alinéa 1er, du code rural et de la pêche maritime.
La solution est sévère mais résulte d’une application stricte des textes.
Selon l’article 595 du code civil, l’usufruitier ne peut, sans le concours du nu-propriétaire, donner à bail un fonds rural. Dans ce cas, l’usufruitier, qui dispose en principe de la jouissance des biens démembrés, doit obtenir l’accord du nu-propriétaire pour conclure un bail à ferme (art. 595 du code civil). Cette solution résulte de la volonté du législateur d’accorder une certaine protection au nu-propriétaire qui à terme deviendra pleinement propriétaire avec un bail en cours.
Concrètement, ce principe se traduit par le fait que le nu-propriétaire doit signer le bail sans pour autant acquérir la qualité de co-bailleur. A défaut d’accord du nu-propriétaire, l’usufruitier peut cependant être autorisé par justice à passer seul cet acte pour éviter un refus abusif. Sur ce point, l’article 595 du code civil ne subordonne l’autorisation de justice à aucune condition. A ce titre, une cour d’appel retient, à bon droit, que le nu-propriétaire ne peut reprocher à un usufruitier d’avoir obtenu l’autorisation de conclure des baux ruraux avec les fermiers de son choix (Cass. 29/11/1995, n° 94-11735).
Formellement, l’article 595 du Code civil n’édicte aucune sanction en cas de bail conclu par le seul usufruitier. Toutefois, depuis de nombreuses années, la Cour de cassation a retenu que le bail, ainsi consenti, encourt la nullité.
Selon une jurisprudence ancienne, un bail rural conclu par l’usufruitier sans l’accord du nu-propriétaire encourt la nullité. Ainsi, la juridiction suprême a été amenée à juger, à de nombreuses reprises, que le bail rural conclu sans l’accord du nu-propriétaire par le seul usufruitier est entaché de nullité (Cass. 11/02/1975, n° 74-10893). Il s’agit cependant d’une nullité relative, qui ne peut être invoquée que par le nu-propriétaire lui-même.
A titre exceptionnel, la nullité n’est toutefois pas encourue lorsque le preneur rapporte la preuve qu’il pouvait légitimement croire que son cocontractant était habilité à s’engager, celui-ci agissant comme le propriétaire apparent du bien. Pour cela, il faut que les circonstances démontrent que le preneur s’est trouvé induit en erreur par l’attitude de l’usufruitier (Cass. 4/07/2019, n° 18-16805)
Selon le présent arrêt du 11 juillet 2024, le preneur dont le bail a été annulé, et est donc censé n’avoir jamais existé, ne peut prétendre à l’indemnité due au titre des améliorations apportées au fonds prévue par le code rural.