Les dispositifs d’exonération des plus-values professionnelles connaissent une actualité fournie, et sont régulièrement soumis à l’appréciation des juges tant les contentieux sont nombreux. L’article 151 septies du CGI permet une exonération d’impôt sur le revenu des plus-values professionnelles réalisées par les entreprises respectant deux conditions : une limite de chiffres d’affaires et une durée d’activité.
Concernant la limite de chiffre d’affaires à ne pas dépasser pour bénéficier du dispositif, elle se situe au seuil de 250 000 € ou 90 000 € selon le type d’activité exercée. Quant à la condition relative à la durée d’activité, l’exonération est ouverte aux activités exercées depuis au moins 5 ans (art. 151 septies du CGI).
S’agissant de la condition tenant à la durée d’exercice de l’activité, la doctrine administrative en précise les principes et les modalités de détermination (BOI-BIC-PVMV-40-10-10-20 § 10). Il y est notamment précisé qu’en situation d’exercice de plusieurs activités au sein de fonds, établissements ou exploitations distincts, la durée d’activité s’apprécie séparément au sein de chaque fonds, établissement ou exploitation, pris isolément.
Le Conseil d’Etat, par une décision du 4 octobre dernier, a réaffirmé ce principe (CE 4/10/2023 n° 462030). En l’espèce, une EARL créée en 1984 cesse son activité en 2016, soit après 32 ans d’activité. Or, cette société exerce la vente d’électricité qu’elle produit au moyen de panneaux photovoltaïque depuis 2012, soit 4 ans avant la cessation d’activité. Le 2 septembre 2020, le tribunal administratif de Rennes confirme la remise en cause de l’exonération d’impôt sur le revenu portant sur la plus-value professionnelle générée par la cession des éléments d’actifs liés à cette activité photovoltaïque. Cette décision est confirmée en appel, et dans la décision précitée, le Conseil d’Etat donne raison à la cour administrative d’appel de Nantes.
Sur le plan juridique, l’EARL créée en 1984 exerce une activité agricole conforme aux dispositions de l’article L. 311-1 du code rural. Ce dernier, dans sa version en vigueur en 2012, inchangée sur ce point, prévoit que seule la production d’électricité par méthanisation est juridiquement agricole, à condition que 50 % au moins des matières utilisées proviennent d’exploitations agricoles. Ainsi, la production d’électricité d’origine photovoltaïque n’est pas juridiquement agricole, mais bien commerciale. Il est à noter que l’exercice de cette activité de production d’énergie photovoltaïque, bien que commerciale par nature, est permise au sein d’une société civile par un régime dérogatoire instauré par l’article 88-II de la loi Grenelle II du 12 juillet 2010. Quoiqu’il en soit, ce régime dérogatoire n’en change pas le caractère commercial. Sur un plan très pratique, il est d’ailleurs admis que les sociétés civiles qui développent une activité de production d’énergie d’origine photovoltaïque doivent contrôler et au besoin modifier l’objet social qui figure dans leurs statuts et ouvrir un établissement secondaire.
Sur le plan fiscal, il ne fait pas de doute que les recettes tirées de la vente d’électricité appartiennent à la catégorie des bénéficies industriels et commerciaux (art. 34 du CGI). Ces revenus commerciaux peuvent sous condition être globalisés dans les revenus agricoles. Pour la période concernée, c’est-à-dire de 2012 à 2016 cette globalisation était permise par application de l’article 75 A du CGI, désormais abrogé et repris sous l’article 75 du même code. Ici encore, le régime dérogatoire permettant la globalisation ne revient pas à dénaturer la catégorie de revenus des recettes tirées de la vente d’électricité : elles restent commerciales.
Par ailleurs, la doctrine administrative s’appuie sur la notion de catégorie d’imposition pour déterminer si des activités doivent être distinguées ou non pour l’application de l’exonération : des activités différentes par nature, mais appartenant à la même catégorie de revenus sont réputées constituer une seule et même activité pour apprécier le délai de 5 ans (BOI-BIC-PVMV-40-10-10-20 § 70). On en déduit a contrario que des activités n’entrant pas dans la même catégorie de revenus doivent être traitées isolément pour vérifier si elles satisfont au délai de 5 ans.
Puisqu’étant bien distincte sur le plan juridique comme sur le plan fiscal, on peut considérer l’activité de production d’électricité comme une activité à part entière. Dès lors, il convient d’apprécier le délai de 5 ans à partir du démarrage de cette activité et non au démarrage de la société. En toute logique, on peut déduire de la position du Conseil d’Etat que le délai de 5 ans appliqué au cas d’espèce à la vente d’électricité d’origine photovoltaïque devrait s’appliquer à toute activité dite accessoire, c’est-à-dire entrant dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux. Il devrait en être ainsi des activités d’agritourisme.
Au demeurant, la décision du Conseil d’Etat éclaire sur le délai à prendre en compte pour bénéficier de l’exonération des plus-values. En revanche, si ce délai avait été respecté, une question demeure sur l’application du dispositif d’exonération, qui s’applique exclusivement aux plus-values professionnelles. En effet, un doute subsiste sur le caractère professionnel ou non-professionnel de la production d’électricité d’origine photovoltaïque.