Quel est le sort de la moyenne triennale fiscale appliquée par les associés d’une EARL qui transfèrent les biens de la société initiale dissoute à un GAEC nouvellement créé ? Selon un arrêt du Conseil d’Etat du 4/10/2023, il est considéré que les associés sortent du dispositif de la moyenne triennale et doivent être imposés sur le surplus de résultat issu de la cessation d’activité de l’EARL.
La moyenne triennale fiscale est une option ouverte aux contribuables déclarant des bénéfices agricoles réels, permettant le lissage des résultats (art. 75-0 B du Code général des impôts). A compter de l’année d’option, la base d’imposition des bénéfices agricoles retenus est égale à la moyenne des bénéfices de l’année d’imposition et des deux années précédentes (BOI-BA-LIQ-20 n° 30). Il est utile de rappeler que l’option à la moyenne triennale est une option personnelle du contribuable et non une option de la personne morale dont peut être associé ce dernier.
Dans le dossier en présence, il a été procédé à la dissolution de l’EARL et à la création d’une nouvelle personne morale sous la forme d’un GAEC. L’EARL a transféré ses activités, ses actifs et son passif au groupement. Dans cette situation, quelle solution réserver à la moyenne triennale fiscale des associés de l’EARL qui continuent à percevoir des bénéfices agricoles de la nouvelle structure ?
Le code général des impôts prévoit des dispositions particulières en cas de cession ou de cessation d’activité. Le mécanisme qui prévaut dans cette situation est une taxation de l’excédent du dernier bénéfice agricole par rapport à la moyenne au taux marginal d’imposition.
Exemple : Mme A est associée d’une EARL. Elle a opté pour une imposition à la moyenne triennale fiscale. Elle cesse son activité pour partir à la retraite en 2024. Ces BA sont les suivants :
2024 = 32 000 € ; 2023 = 17 000 € ; 2022 = 21 000 €
La moyenne est donc : (32 000 + 17 000 + 23 000)/3 = 24 000 €.
Au titre de l’année 2024, le bénéfice agricole à déclarer est bien de 24 000 €, mais l’administration va également taxer au taux marginal d’imposition l’excédent par rapport à la moyenne, soit 8 000 € (32 000 – 24 000). Pour que cette taxation soit effective, un champ doit être renseigné dans la déclaration de revenus.
Par dérogation au principe, l’article 75-0 B du CGI prévoit dans son 7ème alinéa que l’apport par un exploitant de son exploitation à une société ou groupement transparent fiscalement, c’est-à-dire, relevant de l’impôt sur le revenu, effectué dans les conditions de l’article 151 octies du CGI n’est pas assimilé à une cessation d’activité. Dans cette hypothèse, l’option pour la moyenne triennale fiscale se poursuit pour le contribuable qui apporte son exploitation individuelle à une société, à moins que de lui-même il ne renonce à cette disposition.
Le transfert des biens de l’EARL à un GAEC peut-il bénéficier des mêmes dispositions ? La réponse formulée par la cour administrative d’appel de Nantes (CAA Nantes, 1ère ch. 07/01/22 20NT03391) et confirmée par le Conseil d’Etat (CE, 9è et 10è ch. 04/10/2023, 462030) est la suivante : cette opération n’est pas visée par le 7ème alinéa de l’article 75-0 B du CGI. Dès lors, le contribuable doit raisonner selon le principe général de cessation d’activité. Le surplus de résultat de la dernière année doit être imposé au taux marginal d’imposition par rapport à la moyenne triennale. Le Conseil d’Etat ajoute que, dans cette situation, le contribuable concerné ne peut pas se prévaloir d’une cessation partielle d’activité au motif qu’il continue à percevoir des bénéfices agricoles, dans la mesure où l’EARL a complètement cessé son activité.