26. Remise en cause de l’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties pour une Union de Coopératives qui vinifie une part significative de vendanges de non-adhérents

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Une union de caves coopératives peut-elle bénéficier de l’exonération de taxes foncières sur les propriétés bâties, alors même qu’elle vinifie une part significative de vendanges provenant de tiers non-adhérents ? Par une décision du 4 décembre 2023, le Conseil d’Etat répond par la négative, considérant que l’activité ne doit plus être considérée comme agricole.

Un certain nombre d’immeubles bénéficie d’exonération permanente de taxe foncière sur les propriétés bâties. Telle est la situation des immeubles à usage agricole, y compris ceux exploités par des sociétés coopératives agricoles et leurs unions (art. 1382 CGI, 6°b du CGI.) Cet article du code général des impôts fait l’objet de mises à jour régulières, la dernière datant de la loi de finances rectificative pour 2022 du 1er décembre 2022 (art. 16 de la loi 2022-1499 du 1er décembre 2022). Il n’en demeure pas moins que le bénéfice de l’exonération pour les immeubles agricoles, y compris exploités par les coopératives et leurs unions est constant.

S’agissant en particulier des coopératives et de leurs unions, l’exonération bénéficie à leurs bâtiments affectés à un usage agricole, c’est-à-dire affectés de manière exclusive et permanente à un usage agricole, dans les usages habituels et normaux de l’agriculture locale (BOI-IF-TFB-10-50-20-20 n° 20) ; et à condition qu’elles ait été constituées et fonctionnent conformément aux dispositions légales qui les régissent (BOI-IF-TFB-10-50-20-20 n° 230).

Dans le cas d’espèce, l’Union des caves coopératives du secteur de Saint-Chignian s’est vue remettre en cause le bénéfice d’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties. Le tribunal administratif a donné raison à l’administration fiscale, confirmé dans sa décision par le Conseil d’Etat (CE, 3ème et 8ème ch. 4/12/2023, n°461395).

Les juges du fond, confirmés dans leur approche par la juridiction suprême, ont ainsi analysé la situation de l’union de coopératives : parce que les opérations réalisées par l’union de coopératives ont porté sur une part significative (30%) de vendange non-issue des coopérateurs, alors :

  • les moyens techniques, importants, peuvent présenter un caractère industriel puisqu’ils dépassent les besoins collectifs des adhérents
  • le pressurage, la vinification, l’assemblage, l’embouteillage et la commercialisation ne s’inscrivent pas dans le cycle biologique de la production végétale, et dès lors ne constituent pas des opérations strictement agricoles. Elles le seraient si ces opérations portaient sur la vendange des coopérateurs adhérents, puisqu’elles se situeraient dans le prolongement de l’acte de production des coopérateurs. En revanche, la présence d’une part significative de vendange extérieure fait perdre le caractère agricole de ces opérations.

La décision du Conseil d’Etat s’appuie sur une lecture stricte de la définition juridique de l’activité agricole. En revanche, le Conseil d’Etat ne cherche pas à déterminer si l’union de coopérative fonctionne conformément aux dispositions légales qui la régisse. On pense en particulier à la limitation des opérations réalisées par les coopératives avec des tiers non-adhérents, en principe limitées à 20% du chiffre d’affaires (art. L 522-5 du code rural).

De manière générale, cette approche du Conseil d’Etat, qui fait une référence implicite à la définition juridique de l’activité agricole (art. L. 311-1 du code rural), rappelle qu’une activité de transformation n’est pas agricole s’il n’y a pas eu d’acte de production en amont.

Cette approche restrictive de l’utilisation agricole des bâtiments montre la volonté de l’administration de circonscrire strictement le champ d’application de l’exonération de taxe foncière. Il convient d’ailleurs de rappeler que l’administration exclut expressément du champ de l’exonération les espace de commercialisation, y compris ceux destinés à sa propre production (BOI-IF-TFB-10-50-20-10, n° 200). Ainsi est par exemple soumis à la taxe foncière un caveau de vente du vin issu de sa propre vendange pour un viticulteur. Sur ce point particulier, on peut constater que l’approche fiscale s’éloigne de la définition juridique de l’activité agricole.