Les personnes titulaires d’un bail rural qui mettent les biens loués à la disposition d’une société d’exploitation sans avoir la qualité d’associé exploitant prennent le risque de voir le contrat de location faire l’objet d’une résiliation à la demande du propriétaire bailleur. La Cour de cassation rappelle la solution applicable.
Il est d’usage que les exploitants agricoles titulaires de baux ruraux conservent les contrats de location en leur nom personnel lorsqu’ils deviennent associés exploitants pour les mettre à disposition de la d’exploitation agricole qui met en valeur les biens loués.
Cette formule de sous-location est clairement autorisée par l’article L. 411-37 du code rural sous réserve d’informer le bailleur (ou l’article L. 323-14 du code rural pour les GAEC). Cette formule est en général préférée à l’apport du bail à la société régie par l’article L. 411-38 du code rural qui nécessite l’autorisation du bailleur et qui a pour effet que le fermier initial perd la titularité du contrat de location.
A ce titre, l’article L. 411-37 du code rural précise ainsi qu’en cas de mise à disposition de biens, le preneur associé qui reste seul titulaire du bail doit, à peine de résiliation, continuer à se consacrer à l’exploitation de ces biens, en participant sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l’importance de l’exploitation.
Quel risque prend-on lorsque l’on reste titulaire du bail, en poursuivant la mise à disposition, et en cessant de participer à l’activité de la société en tant qu’associé exploitant pour devenir ce que l’on dénomme associé non exploitant et travailler au sein de la société en tant que salarié après avoir pris sa retraite ?
Selon un arrêt de la Cour de cassation en date du 12/10/2023, le preneur, qui, après avoir mis le bien loué à la disposition d’une société, ne participe plus aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l’importance de l’exploitation, abandonne la jouissance du bien loué à cette société et procède ainsi à une cession prohibée du droit au bail.
Il en résulte que, dans ce cas, le bailleur peut obtenir la résiliation du bail sur le fondement de l’article L. 411-31, II, 1°, du code rural et de la pêche maritime, sans être tenu de démontrer un préjudice (Cass. 12/10/2023, n° 21-20.212).
Ainsi, il apparait que le preneur qui n’est plus mentionné dans les statuts de la société comme associé exploitant de la société bénéficiaire de la mise à disposition et travaille au sein de cette même société sous le statut de salarié ne remplit plus les conditions pour conserver le bail en son nom et mettre en œuvre la formule de mise à disposition.
Est-ce à dire que la qualité d’associé salarié au sein d’une société (par exemple l’associé dirigeant de SAS, le gérant non majoritaire de SARL ou encore l’associé actif de SCOP ou de SCIC) est incompatible avec la mise en place d’une convention de mise à disposition régie par le paragraphe I de l’article L. 411-37 du code rural ?
Est-ce que la mise à disposition en application du paragraphe II du même article L. 411-37 du code rural avec l’autorisation du bailleur écarte le risque de résiliation ? Ce qui suppose dans cette seconde hypothèse que les relations avec le bailleur ne soient pas conflictuelles, sachant que la réponse juridique n’est pas certaine.